mercredi 24 octobre 2007

L’Islam et la liberté d’expression


Cette réflexion s’inspire de deux textes : l’article de Salman Rushdie parut au New York Times du 2 novembre 2001 où il fait une réaction à chaud sur les attentas du 11 septembre et l’interview que Mohamed Arkoun, a accordé au journal Le monde du 15 mars 1989 sur la crise provoquée par le livre de Rushdie.

En déclarant : « je ne me laisserai pas facilement adhérer à l’idée réductionniste selon laquelle l’écrivain a le droit d’écrire ou de dire n’importe quoi », Mohamed Arkoun remet en question l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

En effet, quand l’occident parle des Droits de l’Homme, il n’émet toujours pas sur une même hauteur d’ondes que l’Islam. Selon l’Islam, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 a un arrière fond chrétien et illuministe trop prononcé. A part l’article 19 il y a aussi son précédent, c’est-à-dire l’article 18 sur la liberté de pensée, de conscience de religion qui pose problème et qui bloque souvent le dialogue entre l’occident et le monde islamique.

Des propositions de sortie de l’impasse ont été faites par le passé de part et d’autre. La toute dernière remonte de la crise des caricatures de Mahomet au début de 2006. A cette époque, 57 pays de l’Organisation de la Conférence Islamique voulaient faire adopter par l’ONU un texte condamnant « la diffamation des prophètes » afin de mettre fin aux calomnies dont l’Islam est victime dans plusieurs pays. Comme il fallait s’y attendre, le projet fut rejeté en bloc par l’Occident qui y voyait une tentative de faire de l’ONU une « police religieuse ». Et contre cette proposition l’occident obtiendra de l’Assemblée Générale de l’ONU, après des mois de tractation, la création d’un Conseil des Droits de l’Homme en remplacement de la Commission du même nom, discréditée à cause de la présence en ses rangs des pays aux régimes répressifs ou « Etats voyous », dont certains pays islamiques.

Nous voyons la même difficulté apparaître dans les deux textes qui nous servent de toile de fond. Ce que Mohamed Arkoun pense être un privilège extraordinaire pour l’Islam, c’est-à-dire que chaque fidèle peut s’engager seul dans sa relation avec Dieu sans une médiation sacerdotale, Rushdie le considère comme le pire d’aberrations. Pour lui la croyance la plus religieuse, c’est-à-dire l’Islam, n’est pas très théologique. C’est ce qui justifierait la peur des musulmans d’être submergé par la façon de vivre de l’occident libéral dont les Etat Unis est le symbole. Poussés par certains Mollahs véreux, plusieurs mouvements islamiques ont vu le jours et n’on comme objectifs que de s’attaquer grand Satan que représentent les Etats-Unis et ses alliés, non seulement occidentaux mais aussi des lâches, traîtres et soi-disant musulmans qui permettent aux infidèles de fouler la terre sacrée d’Arabie Saoudite.

Pour ma part, je pense qu’une connaissance mutuelle de deux cultures parait être la base d’un dialogue franc et sincère. Prenons à titre d’exemple le cas de la Djihad ou guerre sainte. Selon Massimo Introvigne, l’Islam reconnaît trois sortes de Djihads : premièrement contre soi-même, c’est-à-dire contre les forces négatives qui empêchent un croyant de devenir bon pratiquant. Deuxièmement contre les faux musulmans, ces lâches frères pour quelques intérêts sordides sont prêts à se coaliser avec les infidèles, sacrifiant ainsi leur religion. Et enfin contre les infidèles. C’est surtout cette dernière forme de djihad qui nous est connue. Aussi, par ignorance de deux autres formes, notre surprise est grande quand les attentats sont dirigés contre des musulmans. Et selon les analyses sociologiques de José Casanova, la vision religieuse des islamistes appartiendrait au ‘traditionalisme démocratique’ qui refuse le pluralisme culturel et use de la modernité (principalement la technologie) pour « sauver » la tradition.

Venons en maintenant à la publication des Versets sataniques. Les préambules de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme stipulent : « qu'il est essentiel d'encourager le développement de relations amicales entre nations ». Je pense à mon humble avis qu’une telle publication ne va pas dans ce sens sachant que chaque peuple tient à certaines valeurs qu’il juge sacrées et que toute diffamation des ces valeurs suscitera une réaction, soit-elle en occident. En effet combien de fois les chrétiens d’occident n’ont-ils pas réagit contre des publications et boycotter des films qui portaient atteinte à leurs croyances religieuses.

Ainsi, comme tout droit, la liberté d’expression a aussi ses limites. C’est ce que Rushdie a semblé ignorer. Car si les droits n’ont aucune limite, nous retournerons dans une jungle où chacun fait ce qu’il veut. S’il y a au niveau de chaque Etat et regroupements continentaux des organes pour réguler l’exercice des droits de l’homme et libertés fondamentales, cette tâche au niveau international est dévolue au Conseil des Droits de l’Homme. Ce Conseil a entre autres comme mission de veiller à ce que toutes les nations, malgré leurs diversités, aient une conception commune de ces droits et libertés.

Abbé Paul NZINGA

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